Nus hyper-modernes

L’intimité instaurée par l’artiste avec ses sculptures de la série Nus Hyper-modernes met en juxtaposition notre condition primaire avec le changement très radical, artificiel, de certains sujets sociétaux. Cette conversion, positive ou négative, que l’artiste souligne, est souvent générée par des processus de séduction ou de domination. Dans son travail, Andreea Talpeanu  prétend plutôt décrire les mutations du corps contemporain actuel. Le récit sur ces ensembles, bien qu’il se veuille actuel, ne génère pas un discours, un sourire grincent de l’artiste, que par l’association avec le titre, qui donnent une deuxième lecture au choc formel.



Nu de Sylvaine No. 3 (La dernière branche), 2022,

 fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 170 cm, collection privée



Nu de Sylvaine No. 2 (Le dernier arbre), 2021, 

fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 190 cm 


Si nous prenons comme exemple le Nu de Sylvaine No. 2 (Le dernier arbre), et Nu de Sylvaine No. 3 (La dernière blanche), il s’agit d’un rappel des forêts vierges, d’une nature non transformée confrontée à la perspective d’une dégradation totale. Silva, la foret, sous la forme d’une dernière branche, bossue, organique, avec certains attributs même anthropomorphes et surtout où se retrouvent dissimulés les déchets de consommations, est un manifeste poétique pour l’environnement. Ces sculptures ressemblent, non pas juste un éventuel récit apocalyptique, mais aussi, les façons insidieuses dont la société de consommation réagit.



Nu de danseuse (Le point de non-retour), 2021,

 tissu et fil sur objets obsolètes, H 190 cm 


Nu de luciole , 2023, 

tissu et fil sur objets obsolètes, H 150 cm 


Les corps de Nus hyper-modernes (biotope, femme, animal, etc) reflètent des particularités très poétiques. Andreea Talpeanu génère ces ensembles vivants d’abord par un assemblage avec des matières obsolètes, volontairement caches, comme une facette obstrue de notre société. Cette matière, bien qu’elle soit cachée, est le prétexte de restituer ce dont la course à l’hyper-modernisation laisse derrière de façon insidieuse. En plus de la forme, l’œil cerne une peau vraiment travaillée, qui vient solidifier les organes hyper-modernes. Cette peau organique, avec des coutures bien épaisses sur des tissus recyclés, est un moyen de rappeler l’organicité stochastique de l’individuation. L’artiste considère que ce dernier processus de création des corps est le principal processus de propagation et relai du monde. Que cela soit l’apanage du marketing, la destruction des richesses naturelles ou le procédé de génération du vivant, les éléments ne sont jamais disloqués. Corps unique ou multitude de corps, un lien est toujours présent. De ce dernier point de vue, ces procédés de réalisation de la sculpture, par l’organicité stochastique, sont là pour traiter de la mutation des ensembles. Ces entités “vivantes” sont des métaphores des transgressions diverses, sociétales, sociales, écologiques, technologiques. Pour l’artiste, ces transformations, qu’elles soient avancées ou régressions du monde, sont à la fois l’occasion de relayer le présent et de “sculpter le réel”, selon la critique d’art Claire Mary Puyfoulhoux. Andreea Talpeanu considéré que seul outil capable d’exprimer les mécanismes du monde présent est le lien, car lui seul peut assembler un récit sur la complexité du monde actuel.



 Nu de femme No. 4 (A bras ouverts et cœur penché), 2021, 

tissu et fil sur objets obsolètes, H 175 cm



Nu de femme No. 2 (Une fois, l’écorce de la nuit), 2020,

 tissu et fil sur objets obsolètes, H 148 cm 



Nu de femme No. 6, ( La femme bleue), 2023,

 fil et tissu recyclé sur objets obsolètes, H 190 cm, collection privée


Concernant les nus des femmes, l’artiste traite plusieurs sujets sous le même titre, déployé par la suite. Ces variations, volontairement subtiles, rappellent les combats féministes dans le Nu de femme No. 2 (Une fois, l’écorce de la nuit), Nu de femme No. 4 (A bras ouvert et cœur penchée), ou Nu de femme No. 6 (La femme bleue) et racistes dans le Nu de femme No. 3 (Couleurs sur l’âme), un corps dramatique, ou une partie plus importante est blanche par rapport à la partie noire.





 Nu de serpent, 2021, 

tissu, fil et peinture acrylique sur objets obsolètes, H 165 cm, collection privée



Nu de papillon, 2021, 

tissu, fil et peinture acrylique sur objets obsolètes, H 120 cm, collection privée

 Les Nus hyper-modernes, parfois atteintes par des actions technologiques (OGM, clonage, transhumanisme, chirurgie esthétique, malformations chimiques, etc) sont reliées à des processus mercantis (marketing, société de consommation, société de loisir) par des processus organiques de stochastiques d’individuation. L’individu, qu’il soit animal ou humain, répond un peu au hasard a la logique consumériste, que cela soit par la déperdition ou par une forme d’accentuation du processus consumériste. À ces sujets, il y a la dimension des combats sociaux qui s’ajoute, facette importante du monde actuel. Des sujets comme le féminisme, le racisme ou écologie accentuent ces formes, souvent sans mains, sans tête, mais avec des pieds-comme pour laisser des traces au sol. L’artiste semble rappeler sans cesse notre capacité de changer les choses par la différenciation de ces corps dépourvus d’action a tout point de vue.


Nu de star porno, 2010, 

fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 170 cm, collection privée



Nu de femme No. 3 (Couleurs sur l’âme), 2020, 

tissu et fil sur objets obsolètes, H 70 cm, collection privé



Nu d’hippocampe, 2011,

 fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 170 cm, collection privée 



Co.com,  2012,

 fil et tissu recyclé sur objets obsolètes, H 220 cm ,collection privée



Nu d’Alexandre, 2013,

 fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 220 cm, collection privée ;



Nu d'enfant (de Lucy SD et Jack Herer), 2013,

 fil et matières textiles sur objets obsolètes, H 100 cm


Le processus de sculpture de l’artiste de ce Nu d’animal de compagnie fait clairement référence à une forme d’artificialisation totale du vivant. L’animal de compagnie, bien qu’un animal domestique, sorti de son biotope naturel, a acquis désormais une dimension en plus, un amalgame d’attributs sociétaux. Ses organes sont des restes de la société de consommation. Concernant sa peau voulue nue, il est volontairement impossible de déceler si elle est d’une nature écaillée ou si la nudité de l’animal est dorénavant dans un processus d’extrême artificialisation à but marchand. Ainsi, L’Animal de compagnie posséde à présent certaines « protections » intégrées et consommables. L’artiste, avec ce discours, fait une critique poétique de la société de consommation en proposant comme produit même des animaux avec une peau consommable et non pas uniquement destinée à la réalisation de produits de consommation. Le fait que la sculpture peut s’installer dans des multiples positions veut faire référence à de la biotechnologie, mais avec un média ancestral : la couture. Considérant ces points de vue, les extravagances consuméristes du monde actuel sont antagonistes avec la protection de la nature, puisque la société marchande invente sans cesse des pseudo besoins et produits, même vivants. D’un autre coté, à l’image de Dolly, le premier clone, Andreea Talpeanu fait référence à des mutations même dans le spectre des animaux de compagnie.

Nu d’animal de compagnie, 2013,

 fil et matières textiles sur objets obsolètes, dimensions variables, collection privée


 

Nu de soumise (Signe dompté), 2022,

 tissu et fil sur objets obsolètes, H 150 cm

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